Financement sécurité sociale : TVA sociale et CSPM (3)

02/05/2017 08:34

 

Conséquences ?

 

On poursuit l’examen de la « Cotisation sociale sur les produits manufacturés » (CSPM), notamment à travers ses conséquences et les objectifs recherchés.

 

Je rappelle la teneur des analyses précédentes : les entreprises du pays ne sont pas assez compétitives, ne serait-ce que par rapport à celles de nos voisins immédiats.

En rappelant au passage que ceux-ci ont à peu près exactement les mêmes contraintes que les nôtres et pourtant ils s’en sortent bien mieux : on peut gloser autant qu’on le veut sur cette étrange réalité, dogmatiser autant que cela vous fera plaisir mais il s’agit de trouver des solutions sinon immédiates mais à tout le moins « fortes ».

 

Juste pour mémoire, je citais l’affaire de la « Taxe poids-lourd », ou encore « Taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises .

Il s’agissait d’une sorte de droit de « douane intérieur » dont il était facile d’exonérer nos routiers, et pas tous les autres qui auraient été priés d’avoir un géo-localiseur à bord pour circuler sur notre réseau routier – un autre droit de passage, octroi ou douane, à dire vrai... 

Cela aurait permis notamment d’arrêter le flux de camions allemands qui traversent l’Alsace pour échapper au péage autoroutier de l’autre côté du Rhin.

 

Mais, devinez qui a reçu la concession d’exploiter et de collecter cette taxe (finalement annulée) ?

La société Autostrade per l’Italia, filiale du groupe Benetton !…

Les entreprises françaises ? Exit, tellement elles sont performantes !

(Hors Thales, la SNCF, SFR et Steria qui ont réussi à s’introduire dans un second tour de table à hauteur respective de 11 %, 10 %, 6 %, 3 % dans le capital de l’entreprise italienne).

 

Et globalement, on en connaît les causes : un taux beaucoup trop élevé de prélèvements obligatoires, sur à peu près tout ce qui bouge dans ce pays.

Ceci dit, c’est pour la bonne cause : on veut la Rolls-Royce du modèle social « que le monde entier nous envie ».

Les autres pays nous l’envient, surtout ceux où il y a peu de protection sociale. Mais ils pourraient nous en payer une partie, d’une façon indirecte, et, accessoirement, qu’on leur montre le chemin au lieu de nous laisser mourir à petit feu, faute de compétitivité suffisante des « travailleurs-français » !…

 

On a vu que nous avons des outils juridiques et fiscaux formidables, capables de tout, du meilleur comme du pire. C’est à la fois à en rire et à en pleurer, mais c’est comme ça.

Nous avons également vu que les marges de manœuvres existent, pas forcément là où tout le monde le pense, mais qu’avec un tout petit-peu d’imagination et de bon sens, on sait faire.

Je vais même au-delà : c’est déjà en place, il suffit de décider de l’exploiter. D’exploiter ce qui existe, d’exploiter nos savoir-faire en la matière et Dieu sait si nous avons les meilleurs administrateurs publics et fonctionnaires pour savoir appliquer des mesures simples : ils savent faire appliquer les plus complexes sans se perdre, ni perdre leur âme…

 

L’outil proposé (avec beaucoup de résistance psychologique de ma part et d’infinies précautions), c’est d’exploiter les effets de la « fiscalité-comportementaliste » en créant une « cotisation sociale » (la CSPM) payée par les entreprises sauf celles qui transforment des produits bruts (extraction, matières premières, agriculture, sans transformation, vendus en vrac, à peine emballés) et celles qui ont le label « OFG ».

 

« OFG » pour « Origine France Garantie », un label inventé par Yves Jégo en 2011, obtenu par les entreprises de services, de transformation (… manufacturière !), de distribution (commerce) dont au moins la moitié de leur chiffre d’affaires est réalisé avec des matières et services d’origine française garantie.

Pour les autres, qui n’ont pas le label « OFG », elles auront l’obligation de… payer la CSPM !

 

Attention : La CSPM ainsi conçue, il faut bien en avoir conscience, est collectée par les entreprises (comme la TVA ou tout autre taxe et impôt mis à leur charge), mais c’est finalement le consommateur-citoyen qui la finance.

 

Autrement dit, il s’agit d’une cotisation sociale (de solidarité, de soutien, de ce que vous voulez) sur les « produits manufacturés », sur ce qui n’est pas « brut », mais façonné, transformé, emballé, présenté, transporté, bref, là où il y a de la main-d’œuvre.

Si cette dernière est « hexagonale », c’est un produit ou un service vendu par une entreprise labellisée « OFG », ce qui l’exonère de « CSPM ». Elle  et transmet alors à ses propres clients cette qualité-là, au moins pour les achats qu’une autre entreprise peut faire à la première : Simple !

 

Un « effet de contagion » positive qui se transmet de proche en proche et c’est justement ce qui est recherché par le mécanisme proposé. Il ne s’agit pas de taxer une fois de plus, mais d’inciter à des comportements vertueux tout au long de la chaîne de production de la marge-brute (et donc de la Valeur-Ajoutée) jusqu’au consommateur final.

Pour ceux qui n’auraient pas compris, globalement, il s’agit de vérifier (parce qu’il y aura des contrôles) que les factures desdites entreprises sont ou non étiquetées « OFG » à hauteur de 50 %.

Simple et efficace : N’importe quel « Bac – 5 » sait faire ça.

 

On a vu que les outils sont déjà en place, autant ledit label (OFG) que les outils comptables et les outils administratifs. Et l’on a découvert, de plus, que si on ne vise pas spécialement les produits et services échangés à travers les frontières, on passe malgré tout à travers les interdits juridiques auxquels a souscrit notre pays à l’égard de ses partenaires européens et même mondiaux.

 

Bref, on ne viole aucune loi, aucun traité, aucun règlement européen, et on n’a aucune invective quelconque d’une autorité supranationale : c’est juridiquement parfaitement compatible avec tout le reste.

 

On a également découvert que c’était une « cotisation sociale », parce que ce n’est clairement pas une taxe, ni un impôt, ni un droit de douane, ni une redevance ou contribution nouvelle. Juste une cotisation sociale comme il en existe déjà beaucoup sous diverses appellations.

On a prévenu également qu’on ne vise, a priori, qu’à rééquilibrer les régimes sociaux de nos compatriotes, et qu’on souhaitait avec la CSPM viser notamment les entreprises qui payent les charges sociales et fiscales des pays étrangers exportant chez nous…

Bref, qu’on voulait « discriminer ».

Alors que jusque-là tous les outils fiscaux proposés et avancés par les « décideurs » (y compris la TVA-sociale) étaient ou neutres, ou inopérants, ou contre-productifs (sauf à en rire à l’occasion…).

 

En fait, les conséquences cachées – et recherchées – sont ailleurs. Pour comprendre, il faut simuler.

Et on va faire simple (parce que « complexe », je sais faire, j’ai simulé, et on retombe sur nos pieds à tous les coups, par n’importe quel bout).

Nous avons 2.200 milliards de PIB (la totalité des créations de « Valeur Ajoutée » de toutes les entreprises que compte le pays). Sur ce, nous avons entre 880 à 900 milliards (on garde ce dernier chiffre) qui ne correspondent qu’à la consommation des ménages : 41 % au mieux !

Ce sont eux qui nous intéressent : J’en suis (vous aussi)…

 

Notez que, les 1.300 milliards restant sont les 59 % qui disparaissent dans les prélèvements obligatoires signalés ci-avant : le compte est juste quand vous ajustez des déficits publics (environ 3 %) financés par voie d’emprunt public ou assimilé (les différentiels sont nos marges d’erreur dues aux arrondis).

Sur ces 1.300 milliards, il y a globalement 330 milliards de charges fiscales nationales, presque 400 de charges sociales, 250 de charges fiscales locales et le reste sont le fait des entreprises publiques et de la fonction hospitalière, avec des « ponts » entre les unes et les autres (et des « pertes en ligne », naturellement).

 

On retrouve d’ailleurs ce chiffre « par le bas » : quand vous recevez 800 euros de salaire net (traitement, pension), un revenu qui n’est pas un loyer ou un dividende (etc.), c’est que « la référence » est égale à 1.000 €. La différence, ce sont justement les « prélèvements-sociaux » salariés, même si en réalité, ils ont déjà coûté, avant que vous les perceviez, 400 € de plus à celui qui vous fait le paiement (je simplifie : Ce n’est pas vrai sur les « bas-salaires »).

 

Je vous l’ai déjà précisé, ces « charges sociales » servent à payer les retraites, les soins, les indemnités journalières, les pensions d’invalidité qui sont autant de « redistributions » indispensables (le fameux modèle social…) et retournent pour une large partie dans les 900 milliards de consommation ci-dessus définies (« les ponts »).

 

Sur ces 800 nets pour vous, et tous les autres salariés, le fisc repasse sa sébile sous différentes formes (impôts locaux, taxes diverses, IR et TVA), pour environ 300 à 330 milliards qui, avec 90 milliards de déficit (création monétaire ex-nihilo financée par l’emprunt), viennent financer la République.

Le tout est alors redistribué sous des formes diverses et « avantages en nature » en quelle que sorte (écoles, équipements, solidarité, missions régaliennes : défense-sécurité, justice, institutions) et salaires des fonctionnaires. Des services dont l’usager ne paye jamais le vrai prix (puisqu’il est prépayé par les prélèvements fiscaux).

Normalement, et hors déficit, la boucle est bouclée : Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme pour paraphraser Lavoisier.

Comme en comptabilité, débit = crédit, et, si ce n’est pas le cas, c’est qu’il y a une erreur qu’il faut rechercher.

Comme en finances publiques : Dépenses + déficit = Recettes + emprunt. Ou inversement.

Pas compliqué, finalement.

 

Normalement, si toutes nos entreprises étaient « compétitives », ces consommations devraient être produites dans nos frontières. Mais il y a, depuis des années, un déficit important de la balance commerciale sachant que nous importons 500 milliards chaque année de biens et services alors que nous exportons environ pour 450 milliards (la balance était excédentaire de 1995 à 1999).

 

Miroir des forces et faiblesses de l’appareil productif national, le commerce extérieur affiche des résultats… particulièrement médiocres.

En effet, en 2016, en dépit de la faiblesse de l’euro face au dollar, dont le cours est relativement proche de la parité, et du niveau des cours du baril de pétrole brut, le pays a vu son déficit commercial augmenter !

Une aubaine saccagée…

Il s’est en effet élevé à 48,1 milliards d’euros, soit 3,1 milliards de plus qu’en 2015. Lancé avec assurance en 2013 par Nicole Bricq, alors ministre déléguée au Commerce extérieur, le pari d’équilibrer la balance des produits manufacturiers est complètement raté puisque le déficit a atteint 35,1 milliards d’euros l’année dernière.

9,2 milliards d’euros de dérapage par rapport à 2015…

Et tous les autres indicateurs sont dans le rouge. Les exportations ont reculé de 0,6 % quand les importations ont augmenté de 0,1 %, provoquant un nouveau repli du taux de couverture (le ratio exportations/importations) qui s’élève désormais à 90,4 %.

Soit 0,6 point de moins qu’en 2015.

D’où peut-être demain l’importance de la CSPM.

« Le recul des ventes de biens intermédiaires est particulièrement marqué, notamment les produits métallurgiques et chimiques, dans un contexte de baisse de la demande européenne et de tassement des prix de matières premières industrielles. Les exportations de produits énergétiques affichent un nouveau repli et celles de produits agricoles diminuent fortement, en particulier les céréales » nous avait détaillé les Douanes.

 

Dans le secteur manufacturier, le bilan est aussi médiocre. Malgré la progression des exportations, le déficit automobile (véhicules et équipements automobiles) se creuse de 3,3 milliards, du fait de la poussée des importations. La livraison du paquebot de croisière « Harmony of the Seas » constitue quasiment la seule amélioration notable du solde manufacturier.

 

Même le secteur aéronautique voit ses performances s’amoindrir : « L’élargissement du déficit manufacturier s’explique principalement par la réduction de 3,7 milliards de l’excédent aéronautique, passant de 22,3 milliards à 18,6 milliards d’euros », constatent les Douanes.

Symbole de ces difficultés chroniques (le dernier excédent commercial remonte à 2003), le nombre total d’opérateurs à l’exportation a reculé de 0,6 % pour atteindre 124.100 unités légales.

Et ce n’est pas nos ventes d’armes qui font reculer le problème : « (Le nombre d’exportateurs) recule vers toutes les zones géographiques, notamment vers l’Afrique et l’Europe hors UE. Les exportateurs de matériel informatique et électronique et de véhicules automobiles sont les plus touchés », précisaient les Douanes lors de la présentation du bilan annuel.

 

À titre de comparaison, l’Italie et l’Allemagne, qui affichent des balances commerciales excédentaires, disposent de bataillons à l’export bien plus étoffés. L’Italie compte par exemple environ 200.000 entreprises exportatrices. Et l’Allemagne plus de 300.000…

 

Pourtant, comme le précise le bilan de la compétitivité réalisé récemment par l’Institut COE-Rexecode, le coût salarial unitaire n’a augmenté en « France-euphorique » que de 0,9 % en 2016, contre + 1,3 % en moyenne dans la zone euro et + 1,9 % en Allemagne… Pour la période de 2012 à 2016, les écarts observés sont encore bien plus marqués. En effet, le coût a progressé de 0,8 % chez nous contre 3,7 % en moyenne dans la zone euro et + 9,1% en Allemagne…

« L’amélioration de la compétitivité-coût a permis à la fois un début de redressement de la compétitivité-prix et un certain rétablissement des marges des entreprises françaises, indique COE-Rexecode.

Qui poursuit son raisonnement ainsi : « La hausse des prix à l’exportation des produits françaisqui avait été supérieure de 6 points à la hausse moyenne des prix à l’exportation des produits de la zone euro entre 2000 et 2007, a fait place à une baisse de – 1,4 % sur la période 2011-2016. Le prix moyen des exportations de la zone euro a baissé un peu plus que les produits français (– 2,5 %), tandis que le prix moyen des exportations allemandes a, quant à lui, augmenté de + 1,3 %. »

Gag : Ils coûtent plus chers, ils augmentent plus fort, mais ils exportent mieux que nous !

Comme en 2015, les importateurs européens consultés considèrent toujours les produits estampillés « OFG » comme étant trop chers.

 

Plus grave, la part des exportations de biens et services dans celles de la zone euro a légèrement reculé en 2016, s’établissant à 13,4 %, après 13,6 % en 2015. Elle s’élevait 17 % en 2000.

« Si la part de marché (…) était restée à son niveau de 2000, le montant des exportations de biens et services serait au-dessus du niveau actuel de 170 milliards d’euros », avance COE-Rexecode qui estime à 1.500 milliards d’euros le manque à gagner cumulé depuis quinze ans pour le pays, soit près des trois quarts de son PIB annuel.

 

Nous exportons du produit manufacturé, peu de matières premières, mais des bons vins, de la haute-technologie et du luxe.

 

Les « OFG », les produits d’origine Française, sont exportables et finalement comptent considérablement dans l’ensemble des consommations finales (67 %, 1.474 Md€/an).

Mais il y a quand même un très important déficit de la balance commerciale - nous ne sommes dépassés que par les Britanniques dans l’Union européenne - selon qu’on exporte ou non de l’Airbus et des Rafale qui ne financent pas forcément l’économie française mais celle des pays concurrents…

 

Dans ces 500 milliards d’importation (on simplifie et on s’en tient à des chiffres ronds), on avait dit qu’une partie sont des matières premières ou des denrées alimentaires (le blé-tendre, le riz, fraises, choux de Bruxelles, clémentines corses, etc.) a priori neutres pour le calcul de la CSPM.

Par contre, les 160 milliards/an de produits manufacturés et services importés, (7,2 % du PIB, mais 17,7 % des consommations des ménages) ne pourront pas avoir le label « OFG » car fabriqués, produits, à l’étranger.

Juste pour fixer les choses, laissant le soin aux statisticiens nationaux de les préciser.

 

Maintenant, imaginez que nous appliquions une CSPM à hauteur de 15 % sur ces 160 Md€ (en notant que le reste est déjà taxé, même si ça ne s’appelle pas droit de douane, mais Taxe sur les produits pétroliers, les produits polluant, et j’en passe des pages pleines.).

Cela fera une recette supplémentaire pour les comptes sociaux de 24 milliards, là où François Hollande estime qu’on peut parler de retour à l’équilibre avec 400 millions de déficit des régimes-maladie (0,4 Md€, ou 60 fois moins)…

Mais ce sont 24 milliards pris directement dans la poche du consommateur local : c’est autant de moins à se mettre dans l’assiette de soupe, signalons-le tout de suite !...

 

D’autant que mes simulations de CSPM montrent à ma grande surprise qu’on redevient « gagnant/gagnant » à un niveau de taux de 30 % et devient contreproductif avec 10 points de plus.

Avec un taux de CSPM à 30%, c’est alors 48 milliards pris sur les achats de nos nationaux sur les produits manufacturés importés…

Il va falloir compenser, parce que c’est insoutenable en hausse des prix, bien entendu, même si les importations baisseront et, par conséquence, le déficit commercial.

 

Ces 48 milliards représentent plus que le CICE (et pacte de compétitivité) et globalement 12 % de tous les budgets « sociaux » du pays (un 13ème mois…).

Premier effet, vous avez le choix de les redistribuer aux entreprises, via un CICE-bis par exemple, ou une baisse des charges sociales (part patronale et part salariale), qui vont faire de la marge, laquelle sera réinvestie soit dans des machines, soit dans l’autre partie de la fabrication de VA que sont les salariés (sur leur salaire brut) lesquels rattrapent du pouvoir d’achat.

Bien sûr au passage, les régimes de retraite et maladies-diverses seront excédentaires.

 

Et attention, le mécanisme de la CSPM est à plusieurs effets à tiroir ! 

D’accord, on en remet dans les circuits, les entreprises deviennent plus « compétitives » et gonflent leur production en exportant, tandis que leurs salariés (et elles-mêmes) vont acquérir des biens et services.

Mais il ne faudrait pas que, comme d’habitude depuis 1981, chaque « plan de relance » vienne gonfler nos importations, n’est-ce pas…

 

Justement, il faut discriminer, avons-nous précisé d’emblée : La CSPM ne s’applique pas aux produits importés (ce serait un droit de douane prohibé), mais aux entreprises qui importent.

Et pas seulement sur les produits et services « non-OFG », mais sur tout leur chiffre d’affaires.

Une TCA avais-je dit, qui plus est, et pourquoi pas, une TCA-sanction, non-déductible, ni des comptes de l’entreprise, ni sur elle-même.

Dès lors, l’effet de contagion pourrait avoir un impact bien supérieur sur tout le tissu économique du pays et dépasser largement les 160 milliards d’assiette supposée ci-avant…

 

Eh bien jeunes-gens, c’est exactement l’effet recherché. Je vous explique.

Prenez deux entreprises qui commercialisent exclusivement du « boulon de 12 » sur tout le pays (on pourrait prendre n’importe quel autre bien ou service). Elles se partagent le marché, parce qu’elles ne sont que deux à savoir faire (on caricature, la réalité est infiniment plus complexe, mais c’est pour être clair).

Elles font toutes les deux 10 M€ de CA (HT).

 

Mais l’une importe l’acier, mettons 5 M€, et fabrique sur place le boulon avec ses machines et son personnel. On va dire qu’elle n’a pas d’autres frais, mais qu’elle paye 100 K€ d’impôts et taxes, compte 100 K€ d’amortissement et dégage 100 K€ de bénéfice taxé à l’IS.

C’est qu’elle paye 3.55 M€ à ses salariés et 1.15 M€ de charges sociales (part patronale) pour un total de 4.70 M€.

Cette première entreprise importe de l’acier hors du champ d’application de la CSPM.

 

Sa concurrente importe le produit-fini emballé dédouané pour 8.38 M€.

Mais elle n’a que 1 M€ de charges de personnel, plus 320 K€ de charges sociales (les frais d’administration et commercialisation), les mêmes charges diverses et le même résultat (pour un total de 300 K€), le tout faisant 1.62 M€.

En fait, ce n’est déjà pas vrai, parce que sa CVAE et sa CET (les impôts locaux des entreprises en remplacement de la taxe professionnelle) seront probablement plus faibles chez elle, mais passons.

Or, comme nous l’avions dit précédemment comme d’une hypothèse de travail, avec les mêmes machines, les mêmes process de fabrication, les mêmes temps-œuvrés et les mêmes compétences, mais avec une main d’œuvre étrangère deux fois moins chère (ou plus, mais retenons l’hypothèse). Le produit de l’un est au prix d’1 € le sachet de douze, celui de l’autre à 0,56 €… et le marché en volume est de 27,8 millions de douzaine et l’origine ne se voit pas dans les comptes publics : Les « décideurs » ignorent superbement.

C’est neutre.

 

Par contre, la seconde entreprise importe des sachets de douze boulons de douze et subit une CSPM au taux de 30%.

Son produit coûte désormais 87 centimes. Eh oui, c’est 56 centimes plus 0,168 € de CSPM, plus la TVA à 20 % sur le tout !...

Il reste moins cher, certes et heureusement pour ses salariés français.

 

Mais, avec la nouvelle cotisation sociale qu’est la CSPM (3 M€), le CA (HT) est passé tout d’un coup à 13 M€ auquel s’applique 20% de TVA.

Avec 3 M€ de  CSPM, et la TVA qui passe de 2 M€ à 2.6 M€, l’entreprise rapporte nettement plus au Trésor public.

Le tout vient financer les régimes sociaux (« que le monde entier nous envie ») à hauteur de  3.6 M€.

Ça, c’est pour la théorie.

 

Si vous rajoutez de la TVA, ça reste neutre.

Si vous y mettez une pincée supplémentaire d’impôt local, de taxe diverse, sur la VA ou autre chose, c’est neutre ou marginal.

Si vous rajoutez de la cotisation sociale, le boulon-national va disparaître, sauf à reprendre le modèle de son concurrent, et délocaliser…

On appelle ça une délocalisation !…

Notez que c’est ce qui est arrivé à bien des industries françaises du textile en passant par l’acier, le pneumatique et la chaussure.

On en voit actuellement un exemple avec Whirlpool, entreprise de sèche-linges vouée à être délocalisée en Pologne en 2018 où les salaires et charges sociales sont plus faibles que chez nous.

Si une CSMP au taux de 30% est appliquée aux entreprises qui importent en France des sèche-linges fabriqués en Pologne, ceux-ci deviendront beaucoup moins compétitifs.

Le consommateur achètera alors un autre sèche-linge fabriqué en France, avec le label « OFG », « Origine France Garantie » (dispensé de la CSPM) ce qui favorisera l’emploi chez nous et rendra la délocalisation beaucoup moins rentable pour les actionnaires.

 

Notez aussi « l’effet-contagion » recherché : si la voiture de Sochaux ou des ateliers de Boulogne-Billancourt ne sort qu’avec des boulons de douze « made in ailleurs », des tôles en acier indien, des boîtes de vitesse Porsche allemandes, de l’électronique chinoise, des garnitures et selleries indiennes ou vietnamiennes, elle n’aura pas  le label « OFG », et la CSPM sera déclenchée :  la voiture coûtera plus chère pour le consommateur français (et étranger à l’export).

Avec la CSPM, la fabrication d’une voiture avec des pièces détachées étrangères coutera plus chère et obligera bien des entreprises à revoir leurs approvisionnements en achetant national mais aussi à monter les véhicules  sur le territoire avec de la main-d’œuvre locale (chargée, taxée localement) dégonflant les statistiques du chômage beaucoup plus certainement que la loi El-Khomri.

 

Tenez, ailleurs, ils en sont déjà là : quand ils montent une voiture à Sochaux destinée au marché russe, ils la démontent à Montbéliard, l’exportent en pièces détachées à Moscou et la remontent sur place.

C’est authentique et savez-vous pourquoi ? Parce que les droits de douane russes sont de 30 % sur les automobiles importées et de 10 % sur les pièces détachées malgré le fait que depuis son entrée officielle à l’OMC le 22 août 2012, la Russie s’est engagée à appliquer toutes les dispositions de l’OMC, notamment un droit de douane moyen de 7,8% pour les marchandises.

 

Alors pourquoi ne pas faire la même chose chez nous, et, en plus,  en finançant  la Sécurité Sociale !...

 

Celui qui paye au final, c’est le « Français de base » qui pourrait mal le prendre en voyant le prix de sa voiture prendre 30 % de mieux : Il faut comprendre, puisqu’il n’a pas les moyens. Et puis, il y en a un autre qui ne va pas apprécier : c’est son vendeur qui ne va plus vendre grand-chose et va crier famine, menaçant d’aller pointer à Pôle Emploi !...

Bien sûr.

C’est la raison pour laquelle il faut y aller « en douceur ». Première année d’un quinquennat, on annonce et on vote la CSPM.

Deuxième année, on met en place la mesure (les mentions obligatoires, l’intendance de contrôle, etc.), mais avec un taux zéro.

De telle sorte que les entreprises simulent, se préparent, fassent des choix, prennent des accords pour monter en puissance ultérieurement, investissent, embauchent.

Troisième année : Entrée en vigueur effective de la CSPM au taux de 10 %.

Quatrième année, 20 %, cinquième : 30 %.

C’est exactement le temps qu’il faut pour que les conditions d’achat s’adaptent, que l’intendance des entreprises poussées à « relocaliser » se mette en place ; Un investissement sur plusieurs années de travail préparatoire.

 

Double objectif : ce n’est pas tant de faire rentrer de la recette nouvelle, mais de faire revenir de l’emploi manufacturier au pays.

C’est du chômage en moins, des emplois, de la cotisation sociale (la classique), de la valeur à taxer (IR, CVAE, CET, TVA, IS) en plus.

C’est donc enfin de la recette publique à redistribuer, du pouvoir d’achat en plus, des outils de croissance et de compétitivité qui sont récupérés.

Et, cerise sur le gâteau, avec une compétitivité de nos entreprises améliorée, ce sont des importations en moins et surtout des exportations en plus.

 

Là, vous le constatez, sans vouloir me jeter des fleurs et me couvrir de lauriers, c’est franchement assez génial.

 

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Source : https://flibustier20260.blogspot.fr/2017/04/tva-sociale-cspm-3.html

 

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