Mains invisibles : Chapitre XXIII : le « 002.1 » (1/2)

24/08/2015 12:12

 

Chapitre XXIII : le « 002.1 » (1/2)

 

Promenade hors les airs.

 

Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.

Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !

 

Cette fois-ci, on ne commet pas les mêmes erreurs que lors du premier vol : un chemin, un peu sommaire, est tracé entre les ateliers et le plan d’eau pour un convoi spécial sur remorque à multiple essieux montés sur des grosses roues à basse pression.

Plus d’obstacles à en faire intervenir des engins du génie militaire.

Juste une grue au départ, la même à l’arrivée et des coussins-flotteurs largement dimensionnés sur le plan d’eau : on peut faire les pleins en toute quiétude, sans risque de se mouiller le pieds.

Les modifications apparentes à la structure semblent rassurer le copilote qui aura profité de l’intermède pour améliorer son anglais, devenu plus fluide et riche en vocabulaire : il est presque compréhensible, c’est dire !

 

Même plan de vol : on décolle après un remorquage au milieu de l’axe du bassin au moment où les flotteurs s’arrachent sous l’effet de la vitesse.

Plein pot du moteur qui en fait un boucan incroyable dans de grandes éclaboussures d’écume.

Il y a globalement 17 minutes trois-quarts de carburant dans les réservoirs, soit l’équivalent d’un grand tour au-dessus de la Chine jusqu’au-dessus de l’océan pacifique, le temps de se hisser à quelques 90.000 pieds, de faire un large virage sur bâbord et de redescendre jusqu’au niveau 150 en accélérant encore, buses d’admission ouvertes en grand, cap au sud-ouest vers la base de départ.

Sportif le virage, tellement ça dégage à vitesse de Mach 4 dans l’air raréfié  par effet centrifuge à se faire gonfler les combinaisons anti-G dans les jambes, pour faire refluer le sang vers la tête.

Et là, Ô surprise, l’avion se comporte comme dans de l’ouate.

Il vole parfaitement bien en montée et en altitude. Il vire peut-être mollement, mais avant même d’atteindre les « folles vitesses », au-delà de Mach 6, apparaissent des trainées de feu tout autour du hublot protégeant le cockpit, sans jamais mettre en danger l’épais pare-brise.

Les sondes thermiques oscillent normalement autour des valeurs pré-calculées, sans jamais atteindre les zones de danger.

Le voltmètre et l’ampèremètre du circuit électrique entre l’anode de pointe et les cathodes de bords de fuite  des ailes commencent à s’exciter fortement dès après Mach 5,5/Mach 5,6 et la thermopile qui revêt tout l’intrados et une partie seulement de l’extrados, la plus exposée aux températures extrêmes, grimpe normalement en flirtant avec la zone « rouge » signalant une possible dégradation du « gel-Birgit » alors même que les voltmètres et ampèremètres s’agitent anti-corrélativement.

 

Ce n’est que vers la vitesse de Mach 7, à une altitude plus faible, que les phénomènes de flottement réapparaissent de nouveau, mais en mode nettement plus contrôlable.

Le pilote automatique corrige et les deux pilotes posés côte-à-côte de telle sorte qu’ils se contrôlent mutuellement, ont les mains sur le manche pour parer tous changements de trajectoire trop brutal, éventuellement détectés « aux fesses » (un « indicateur » empirique bien plus réactif), le doigt sur le bouton « Pedro ».

On ne sait jamais, la structure, pourtant solide, pourrait se casser en deux ou plusieurs morceaux !

Et c’est Paul qui réduit les gaz le premier : il a l’œil aux aguets sur la sonde de la perche de l’anode qui semble se raccourcir de façon alarmante.

« – Good for you?

– Extraordinary! Really great! » s’enthousiasme le copilote, absolument ravi de cet essai concluant.

« Well ! We go back! »

Et c’est le vol plané où il convient de se positionner dans l’axe du plan d’eau et de contrôler vitesse et altitude.

Ils seront un peu court, même pour une approche directe sur un virage tribord, tel qu’il faudra remettre un peu de poussée dans un vacarme de fin du monde, avant de toucher l’eau, bien cabré pour ralentir la machine, peut-être un peu trop même, et surtout toucher la surface avec l’arrière de l’avion, là où la surface de planning est la plus large, mais pas trop pour éviter le décrochage intempestive.

 

L’engin flotte, ses réservoirs presque vides, délesté de 88 % de son carburant et est remorqué jusqu’au bord du plan d’eau sous les applaudissements des personnels.

Effectivement, une fois hors de l’eau, on peut constater que « la perche » en tungstène est réduite à 20 % de sa taille initiale : il faudra la rallonger.

Quant au revêtement « Birgit », il est à refaire, déchiré à plusieurs endroits sur l’avant de l’appareil. Ce qui ne l’a pas empêché de remplir son rôle : la céramique sous les « trous » est à peine noircie et à l’analyse, elle n’aura perdu aucune matière comme il est confirmé en arrivant dans l’atelier.

Peut-être un coup de chance, mais c’est plutôt bon signe.

Les félicitations arrivent de Pékin après la transmission des premiers rapports.

Et on refera un troisième vol un peu plus tard, avec une nouvelle perche plus longue, un nouveau nez facilement démontable, et un nouvel « enduit Birgit », posé soigneusement en quelques minutes, avec les mêmes résultats et 4 passagers, rien que pour tester aux fortes températures les aérofreins.

Et ce sera un succès prometteur, là encore.

L’avion vole et sait freiner !

 

Paul peut rentrer en France inviter le capitaine haddock pour un premier vol extraatmosphérique. Sa mission sera terminée en Chine, « dette » payée aux autorités de ce pays, il aura tenu parole, et il pourra alors s’occuper de Florence quasiment à plein-temps…

Ce sera pour le mois d’avril.

Haddock a une exigence particulière :

« Pourrait-on envisager d’emmener mon épouse, pour ce vol ? »

Iconoclaste !

La raison invoquée l’est encore plus :

« Comme ça, si on meurt tous, je ne ferai pas une veuve de plus. Comme du temps des pharaons, je l’emmène dans mon tombeau ! »

Gag !

Du lard ou du cochon ?

« Mais il faut passer avec succès les examens médicaux ! C’est que ça secoue quand même fortement avec les accélérations de dingue ! »

Pas facile à supporter d’ailleurs dans les deux premières minutes alors qu’elle va croissante, telles que Paul pense à limiter la poussée au niveau de 5 G, au moins dans la partie vol extraatmosphérique, là où l’appareil est le plus léger pour avoir déjà consommé une bonne partie de la masse de ses ergols embarqués.

Ça ne change pas trop la configuration du vol, sauf à en rallonger sa durée programmée.

À la latitude de Chengdu, s’ils doivent voler en ligne droite cap à l’est, au 90, ils ont 34.640 kilomètres à faire, ce qui n’est pas plus mal.

On peut raccourcir un peu en volant vers le Canada et au-dessus de la Russie, mais de toute façon il faut compter sur un minimum quelques 3 heures et 45 minutes, ou un peu plus de 4 heures avec des accélérations « plus calmes ».

Alors qu’un vrai satellite fait 41.130 km à la même altitude en approximativement 90 minutes…

 

Le voyage est plus confortable en A380, direction Pékin. Pour l’occasion Matilda du SIV en est, et découvrira Cécile sur place.

« C’est qui celle-là ? » fait-elle instantanément en femme découvrant ce qu’elle pressent comme d’une concurrente.

« Ma « communicante » en expatriation. » Qui s’est enfin mise au mandarin.

Très rapidement celle-là, qui avait fait son deuil de toute relation avec Paul depuis leur retour de Corée, présente un pilote de la base voisine avec qui elle est en relation depuis quelques mois, ne pouvant s’empêcher de jouir de ses talents et de son corps : que le pauvre homme en semble tellement épuisé et ravi…

Ça calme les esprits, d’autant que Paul sait qu’elle ne rentrera pas en Europe pour acquérir la nationalité chinoise après un mariage prévu dans quelques semaines…

« Je te signale qu’elle m’a été très précieuse à plusieurs reprises et encore récemment, alors, comme je ne suis toujours pas marié mais en voie d’être papa une seconde fois, tu n’as rien à gamberger ! »

Arrivera également un peu plus tard Isabelle Nivelle qui joint l’utile à l’agréable en s’offrant une virée touristique autour de Pékin, en passant par Shanghai et Hong-Kong accompagnée de sa fille Sophie et visite quelques industriels plus ou moins concurrents.

Sophie qui a bien grandie, devenue désormais une « femme … complète », y compris le caractère.

Haddock meurt d’envie de voir le « 002 ».

Et à peine posé dans sa chambre d’hôtel, il se fait emmener dans les ateliers de montage.

« Demain, on le met à l’eau ! »

À l’eau ?

« Eh oui, il n’a pas de train d’atterrissage et vous savez que je me débrouille assez bien avec les hydravions ! »

 

Il a mille et une questions et ils visitent l’intérieur en y accédant par la trappe posée à cet effet sur le dessus de l’appareil. Habitacle légèrement modifié pour accueillir des passagers supplémentaires là où il est prévu qu’Haddock copilote l’avion : il s’agit qu’il mémorise quand même un peu l’usage des commandes majeures de l’engin et à quoi servent tous les « petits-cadrans » des sondes diverses à surveiller.

Le lendemain, l’avion transite bien vers son plan d’eau et des équipes le préparent en faisant les pleins l’après-midi.

Pendant ce temps-là, on arrête le plan de vol et on fait la connaissance du reste des « passagers » : quelques officiels volontaires à leurs risques et périls à cette première.

Dans la soirée, tout le monde profite de la ville colorée en s’offrant un restaurant après une ballade dans la vieille rue Jinli.

La « Baronne », l’épouse d’Haddock dans le civil, se montre charmante mais très rétive à l’aspect de ce qu’elle met dans sa bouche, elle, la cuisinière cauchoise-orthodoxe.

Alors que l’appétit de Matilda n’est pas feint : elle veut goûter à tout.

Et qu’Isabelle et sa fille découvrent frileusement et se régalent vraiment.

Paul explique comment ils vont affronter le mur de la chaleur.

« Un, si une quelconque sonde n’est pas conforme après la phase de montée, on annule et on reprend le plan « B », à savoir un ralentissement de l’appareil au lieu d’une accélération.

Deux, on s’en tient au plan « A » si tout est ok et on se repaye une plongée hypersonique. En revanche, une fois la vitesse acquise, on ne pourra plus ralentir pour sauver la machine.

Et c’est là qu’une innovation technique entre en jeu, de celle dont je vous rassure qu’on l’a déjà testée avec deux vols hypersoniques à 5.000 mètres !

Assez pour savoir que « ça tient ». »

Et de quoi s’agit-il ?

 

« Vous vous souvenez de ma WIB. Je vous en ai parlé avant notre départ pour Briska. »

Oh oui qu’il s’en souvient. Ainsi que des éclats de rire qui ont failli le faire s’étouffer.

« Je me souviens aussi de mon second Ovni en vol stationnaire au-dessus de la cible. »

Les femmes Nivelle n’écoutent heureusement que d’une oreille.

Oui, oui : pas encore d’explication !

« Mais il s’est passé quoi au sol ? »

Il a été « aidé » par de curieux personnages, presque familiers, mais en tout cas « bienveillants ».

« Et ils sont arrivés comment et par où ? »

Ça, mystère total.

« La fille, je l’ai revue à Barcelone le jour où l’A320 allemand s’est planté dans les Alpes. »

Ah bon ?

« Et ça a un rapport avec ce crash ? »

Oui et pas qu’un peu : « En fait, elle voulait me faire une démonstration de ses talents de voyante en m’annonçant à l’avance qu’il allait se crasher. »

Et Paul n’a rien fait pour l’en empêcher ?

« Moi non, mais elle si ! Comme si elle savait que ça ne servirait à rien d’autre que de retarder l’envol de l’Airbus auquel nous avons assisté ! »

Incroyable…

 

« J’en ai conclu que soit elle disposait d’une technologie ou de quelque don qui lui permettait de prévoir le futur avec certitude, soit elle venait elle-même du futur. De notre futur ! »

Allons donc, et pourquoi pas de la planète des Ummos tant qu’on y est ?

« Ça, je ne sais pas. Peut-être que les deux choses sont liées. Je ne saurai vous dire. En revanche, vous vous souvenez des photos satellitaires antidatées qui nous ont guidés sur le site algérien ? Eh bien à Barcelone, elle m’a remis un petit croquis d’une sorte de film qui entoure notre avion de demain. »

Une rupture technologique qui viendrait du futur ?

« Pas vraiment une rupture, puisque les ingrédients, mécanismes et procédés sont connus et exploités depuis des décennies sur la planète, mais un usage auquel je n’avais pas pensé jusque-là pour protéger l’avion lors du retour dans l’atmosphère.

Que d’ailleurs, je me demande si les céramiques seront nécessaires pour le « 003 ».

Je vous explique : il s’agit d’un simple film étirable, à peine cuit, qui en fait englobe trois feuillets ultra-minces de l’ordre d’une poignée de millimètres.

Le support lui-même qui se colle sur  la paroi extérieure à protéger ; une couche de conducteur électrique chargé de créer un champ électromagnétique autour de l’appareil quand il est mis sous tension et qui repousse les plasmas générés par sa course, un isolant électrique et une couche de thermopile chargée de transformer la chaleur des gaz en courant électrique. Rendement pas terrible, de l’ordre de 15 %, mais c’est suffisant pour ce qu’on demande de faire au conducteur électrique de la seconde couche.

L’ensemble est raccordé à des cathodes situées en bord de fuite des ailes, et le différentiel de potentiel est assuré par l’anode de pointe qui vous a tant intriguée.

Ce qui accélère la formation de gaz chauds et ionise la couche laminaire qui ainsi devient sensible au champ électromagnétique de la seconde couche du film, alimentée elle-même de la même façon par les thermopiles.

Astucieux, non ? »

Et ça marche ?

 

« Non seulement ça fonctionne, mais il n’y a pas une seule pièce mobile et c’est autorégulé ! Plus les gaz chauds et plasma s’éloignent de la paroi, moins les thermopiles fournissent d’énergie. Plus en retour, le champ électromagnétique faiblit, ce qui permet de rapprocher la couche limite des thermopiles, qui a leur tour fournissent plus de courant qui vont alimenter à la fois la perche à plasma et augmenter l’effet répulsif du champ électromagnétique… Et ainsi de suite ! »

Génial, en effet.

« Et elle vous a expliqué tout ça entre deux sangria à Barcelone, sur las Ramblas ou dans une chambre d’hôtel ? »

Non ! « La façon de l’utiliser a dû être « inventée » après coup. Mais ça va avoir un impact sur nos prochaines tuyères de moteur à haute température, d’avion, de fusées, de missiles : on va pouvoir utiliser des carburants plus puissants. »

Là, Isabelle Nivelle tend tout d’un coup l’oreille…

« Notez que pour l’heure, le système semble assez fragile : lors des deux tests, on a constaté des déchirures telles qu’il faut arracher le film et le remplacer. Mais comme il est facile et peu cher à fabriquer, c’est mieux que de devoir refaire toute la céramique de l’avion elle-même après chaque vol.

C’est d’ailleurs comme ça qu’elle m’a présenté le dispositif. »

Incroyable : Paul a une correspondante scientifique située dans le futur !

Vraiment dingue…

 

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